Un logo par défaut ou un beau logo ?
L'autre jour, je discutais en ligne avec un confrère pour lui demander de ses nouvelles :
"Comment vas-tu ?"
"Ça va, je viens de terminer un site pour un client, tu veux le voir ?"
Hop ! je clique sur le lien qu'il m'envoie : moderne, chouette, beau, fonctionnel, mais aaaaaaargggggg ! c'est quoi ce logo qui gâche tout ?
Le risque de devenir blasé
"Je sais, me répond-il, c'est le logo du client... j'ai bien essayé, mais je ne peux pas faire grand-chose, il l'aime bien et il m'a choisi pour faire son site, pas pour refaire son logo. On finit par être blasés. " Bien sûr, il ne le pensait pas vraiment.
En tout cas, moi, blasée ? Jamais ! Seulement un peu énervée. Car si voir passer des logos "difficiles" est notre lot quotidien, je continue d'avoir envie de hurler, et cela se termine par un gros soupir que je pousse tout en ramassant ma paire de bras. Sans rire, je pourrais faire tourner un parc éolien à force de soupirer...
La question se pose donc : doit-on ne rien dire et rester avec sa frustration, essayer de limiter les dégâts ou bien soulever le problème carrément au risque de passer pour quelqu'un qui cherche à gonfler un peu la facture en voulant réajuster un logotype ?
Au nom de la com
Les (vrais) créatifs ne sont pas des commerciaux qui ne pensent qu'au tiroir-caisse, mais des professionnels qui connaissent l'impact d'un visuel. Si l'on aime son métier, c'est pour le servir correctement. C'est d'ailleurs ce qu'a tenté ce collègue, en essayant de tout faire, mais il arrive parfois que l'on tombe (heureusement rarement) sur des clients difficiles, fermés, versatiles, voire très satisfaits d'eux-mêmes. Et là, la quête du beau et du bon peut être rattrapée par une forme de lassitude alors même que les heures s'accumulent.
Notre démarche éthique faite d'exigence et de passion étant de conseiller notre client, au nom des enjeux d'une bonne image, nous voulons lui faire comprendre que son logo ne tient pas la route. Mais COMMENT LE LUI DIRE ?...
11 approches pour aborder la question du logo-qui-tue
1. Prudence : évitez de sortir d'emblée des adjectifs qui risquent de fâcher, du genre "c'est moche", "c'est ringard", "ça fait amateur" ; cela ne sert à rien qu'à contrarier votre interlocuteur, et de tout façon, ce qui est fait est fait.
2. Occasion : passez plutôt par des chemins détournés, en y allant doucement, par exemple en lui demandant l'âge de son logo : s'il a plus de dix ans, vous pouvez peut-être rebondir ; s'il a été créé ou refait il y a deux ans, et à moins que ce client soit ouvert et réceptif, vous pouvez sortir les rames...
3. Aïkido : posez tranquillement des questions apparemment anodines, pour le pousser petit à petit dans ses retranchements. Le but est de l'amener à réfléchir, de lui ouvrir les yeux et qu'il commence à se poser lui-même la question de la pertinence de son visuel adoré.
4. Rafale : "Pour le site, on garde votre charte graphique actuelle ou bien l'on peut partir sur autre chose ?" "Vous avez le fichier source du logo ?" "Ah ! je vois que vous aimez le jaune..." "Il vous arrive d'envoyer un fax à en-tête ?" (histoire de voir comment il ressort en noir et blanc). "C'est un professionnel de la région qui vous l'a créé ?" (même si vous devinez qu'il a été fait en interne ou en tout cas autrement). À chaque question, vous observez sa réaction et suivant sa réponse, vous sentez si vous pouvez ouvrir une brèche.
5. Enquête : avant de faire une gaffe (c'est peut-être quelqu'un de sa famille qui le lui a dessiné, voire lui-même...), demandez si c'est lui qui a choisi les couleurs ; informez-vous sur l'histoire de ce vi, de ce vivi, de ce visuel (oui, après un choc visuel, le créa peut avoir passagèrement du mal à s'exprimer).
6. Humour : "Et sinon, vous avez un logo ?"... "Ah ! C'est lui ?..." Là, vous souriez : "C'est vrai ? C'est votre logo actuel ?". Puis laissez un grand blanc, tout en redevenant sérieux (votre visage prend de manière naturelle un air extrêmement dubitatif).
7. Kamikaze : si vous êtes audacieux, rien ne vous empêche de jouer le tout pour le tout en vous écriant, d'un air mi-dégoûté mi-étonné : "Oh là là ! Mais qui vous a fait ça ?!" Cette technique est à utiliser uniquement si vous sentez que votre client sera difficile à convaincre... Il arrive en effet qu'elle fonctionne car elle joue sur la peur : pris par surprise de vous voir si horrifié, le client peut être assailli par le doute avant d'être vexé. Là où vous prenez un risque est de l'entendre vous dire que c'est lui qui l'a fait (cf. version enquête), ce en quoi vous vous cramez, d'où le nom de kamikaze.
8. Héroïque : si le client vous rappelle que vous êtes à son service pour faire uniquement ce qu'il vous demande, vous pouvez rectifier que non, vous n'est pas exactement à son service mais justement au service de son image et donc indirectement de sa réputation.
9. Sage : vous optez pour la prudence. Vous vous dites tant pis, qu'après tout, il n'a qu'à avoir bon goût, que ce n'est pas vos oignons, que de toute façon, ça va sûrement ne pas être facile de lui en parler, et vous vous acquittez du cahier des charges pour le site.
10. Panache : "Vous ne souhaitez vraiment pas que l'on retouche à votre logo ? Alors excusez-nous, mais on ne va pas pouvoir vous créer un super site classe affublé de ce machin. On aime trop le beau, et en communication, ce qui est beau est efficace..." (dernière tentative pour provoquer chez lui un remord).
11. Pro : soyez sincère et gardez toujours à l'esprit que vous ne devez rien lui imposer, mais montrer qu'en tant que professionnel scrupuleux, vous êtes réellement embêté, voire chagrin... surtout pour lui. Et même s'il ne le sait pas, votre démarche exigente est un geste de salut public, pour le bien à la fois de sa réputation, de la vôtre en passant et enfin pour le bien-être des rétines des futurs visiteurs du site en question.
Cette liste de versions n'est évidemment pas exhaustive. Si vous ne vous retrouvez pas dedans, vous pouvez toujours faire part de votre expérience (les commentaires sont ouverts). :)
Le souci que nous avons tous d'offrir à nos clients une communication harmonieuse, cohérente et efficace, le tout pour la bonne cause, demande patience, empathie, écoute et beaucoup de diplomatie. Heureusement, l'art de convaincre est toujours facilitée par la passion de son métier. Patience et bienveillance sont, pour ma part, les qualificatifs les plus naturellement représentatifs.
Mon approche est souvent un mélange de plusieurs de ces versions accompagnées d'exigence et de beaucoup de pédagogie, d'arguments et de diplomatie – si vraiment cela vaut la peine que l'on se décarcasse (et en général on pense que oui, par amour et respect du métier).
Dans tous les cas, il vaut mieux dire ce que l'on pense en toute franchise, en prenant des gants bien sûr car il ne s'agit pas de décourager. L'explication est une bonne manière d'aider à améliorer la vision qu'un client peut avoir de sa communication. Tout en étant réaliste : nous savons qu'il existe un certain nombre de paramètres (budget du client, freelance sous-traité par une agence Web dont le but est de remporter l'offre, etc.) : cela engendre quelques concessions qui ne vous feront pas pour autant perdre votre âme de professionnel. On n'est pas non plus des "Superman" ("Wonder Woman" en ce qui me concerne si vous voulez bien). Juste en rêve. ;)
Bien sûr, chaque mission est unique et chaque client aussi, d'où l'aspect réducteur de ce billet, j'en suis consciente. Tout n'est pas aussi simple et découpé en cases et en solutions. Disons que j'avais envie d'effleurer le sujet (un billet de 3 km ne serait pas lu), et avec un peu d'humour si possible.